NOTRE-DAME DE PARIS : COMMENT LES POMPIERS ONT SAUVÉ LA CATHÉDRALE ?

Pour venir à bout de l’incendie qui a ravagé la charpente et la toiture de Notre-Dame de Paris, les Sapeurs-Pompiers de Paris ont lutté pendant plus de 9h dans la nuit du 15 au 16 avril 2019. Alors que le sauvetage de l’édifice était loin d’être évident, les soldats du feu sont sortis victorieux de cette bataille mémorable où héroïsme, confiance et responsabilité ont été les maîtres-mots. Dans une Master Class sur le leadership par la confiance, le général Gontier décortique en détails - minute après minute - l’intervention et témoigne de l’engagement des pompiers, de leur confiance absolue envers leurs chefs, et de la fluidité de la chaîne de commandement, qui ont été les secrets du sauvetage de la cathédrale. Confiance réciproque aussi du chef envers ses subordonnés, parce que chacun connaît le niveau de formation de tous.

Lundi 15 avril 2019, 18h43 : le départ du feu est constaté dans les combles de Notre-Dame. À 18h46, le Centre Opérationnel situé Porte de Champerret reçoit un appel : « Ça flambe à Notre-Dame ». Les camions de la Brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris (BSPP) arrivent en moins de 10 minutes.


Une organisation millimétrée

Les Sapeurs-Pompiers de Paris ont la spécificité d’être rattachés à l’armée. La première brigade avait été créée par Napoléon en 1811 à partir d’un corps militaire. Les pompiers voient l’incendie comme un champ de bataille, où il faut anticiper les mouvements de l’ennemi, le feu. 

Les équipes sont placées sous la direction du général Jean-Claude Gallet, commandant de la BSPP, et de son adjoint, le général Jean-Marie Gontier. Jean-Claude Gallet est le seul responsable et dernier décisionnaire, tandis que Jean-Marie Gontier analyse la situation et dirige les opérations. 


Le général Gontier commence par effectuer son « Tour du feu » au plus proche des flammes, pour vérifier l’état de l’incendie et évaluer le risque que ses hommes vont devoir prendre. Les accès aux points de repli sont difficiles et le vent pousse les flammes. Le feu touche l’ensemble de la toiture et se propage sur les deux tours. Il faut faire très rapidement les bons choix, prendre la bonne décision en prenant en compte le vent, les fragilités de l’édifice, les moyens hydrauliques et la force humaine dont il dispose.

Notre-Dame est divisée en quatre secteurs, les responsables de ces secteurs observent attentivement l’évolution de la situation en temps réel, et les informations sont remontées au commandant des opérations de secours. Avec l’aide d’un drône qui survole la cathédrale, tous travaillent à aider le commandant à visualiser au mieux la situation.

La demande de renforts arrive autour de 19h pour se joindre aux forces de la BSPP, appuyées par l’arrivée de deux bateaux-pompes, qui puiseront l’eau dans la Seine, pour compenser le manque de bouches à incendie. La police est mobilisée pour acheminer le matériel et organiser le périmètre de sécurité autour de l’édifice pour permettre l’intervention des pompiers. « La première demi-heure est cruciale car il faut demander tout de suite tout ce dont on peut avoir besoin », souligne le lieutenant-colonel Gabriel Plus, porte-parole de la BSPP.

Le dispositif de secours mobilise plus de 400 pompiers qui se relaient en haut des dix-huit bras élévateurs articulés. Des groupes spécialisés sont engagés : une section recherche et sauvetage en milieu urbain, un groupe de recherche et d’intervention en milieu périlleux, des spécialistes en exploration de longue durée et la brigade de sauvegarde du patrimoine culturel.

Tout au long des manœuvres, l’évacuation et la protection des œuvres de la cathédrale se poursuivent.


Prendre les bonnes décisions

Les risques sont immenses : personne ne savait si les beffrois tiendraient lorsque le général a envoyé vingt de ses hommes. Il a alors effectué ce que tout grand militaire fait : apprécier le risque, le mesurer le plus précisément possible, évaluer les capacités humaines, et décider. Dans le feu de l’action, l’efficacité de la prise de décision est déterminante. Jean-Claude Gallet et Jean-Marie Gontier le savent bien et ont ensemble conclu de renoncer à sauver la toiture pour positionner un maximum d’engins au niveau des tours afin les préserver. Sacrifier une zone pour ne pas tout perdre, les pompiers appellent cela « la part du feu ». Cette opération de la dernière chance nécessite d’envoyer des hommes entre les deux beffrois, dans les coursives instables de l’édifice, pour contrer le feu et venir à bout de l’incendie.

Cette décision suppose de mettre des hommes en danger. Le feu se propage dans tous les sens et les beffrois commencent à être touchés, risquant de provoquer l’effondrement de la voûte, puis de la cathédrale tout entière, « comme un château de cartes ». Dans les bureaux de la Préfecture de Police, Jean-Claude Gallet présente à Emmanuel Macron : « Notre devise c'est “Sauver ou périr”. Je vais en réengager à l'intérieur, cela présente un risque pour eux mais il faut que je le fasse. » Le risque est estimé, l’intervention est essentielle, le Président acquiesce.

À 21h23 : « On y va ». Le général Gontier envoie un commando d’une vingtaine d’hommes sous les beffrois. Il est transparent en s’adressant à eux, quant au degré de risque auquel il seront exposés. Les pompiers ont confiance en leur hiérarchie, le consentement est facilité par le parcours des décideurs : « Le risque que le général demande, il l'a pris quand c'était son tour de le prendre, donc il sait de quoi il parle. » explique Gabriel Plus. Le courage de leurs décisions a ainsi permis de sauver ce qui pouvait l’être, d’éviter le pire, de tenir face au feu, et de gagner.

À 22h47, les pompiers sont maîtres du feu, et à 2h01 du matin, le général Gontier annonce à la radio : « Feu éteint ».

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